RELIGIONS
AU JAPON

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des informations sans pouvoir y mettre mes commentaires.
Je m'en excuse par avance auprès de ceux qui reconnaîtrons un paragraphe emprunté à leur oeuvre.


INTRODUCTION
Le mélange des religions

LE SHINTOISME
La mythologie japonaise
Les sanctuaires shintoïstes
Vocabulaire
LE BOUDDHISME
Son arrivée au Japon
Bouddhisme et Shintoïsme
Son Développement
Durant le shogunat
Son âge d'or
Les temples bouddhistes
Les différentes écoles
Vocabulaire

Les rites et objets liés aux cultes
La mort liée au bouddhisme

Les fêtes au Japon : Matsuri
© GARNIER Regis, le 30 mars 2000

Introduction et culture multi-religieuse

D'un point de vue religieux, le Japon est un pays paradoxal, ou incompréhensible. La population vit normalement dans l'orbite de deux ou trois religions (bouddhisme et shintoïsme sont les plus répandues). Pendant des siècles, et en partie jusqu'à nos jours, bouddhisme et shintoïsme se sont présentés dans une fusion tellement profonde qu'ils ne formaient qu'une seule chose. A partir de 1868, on a tenté de séparer les deux interprétations religieuses, mais sans grand succès.
De façon tout à fait courante, on naît et on se marie en suivant des rites shintoïstes, on est enterré selon un rite bouddhiste. De nos jours, beaucoup de mariages sont célébrés selon des rites chrétiens, moins en raison de conversions, que pour la simple raison que les musiques sont agréables et la liturgie d'un grand effet. On peut aussi dire qu'un certain courrant lié à la mode a permis ce développement. Le coût financier est aussi nettement moindre, ce qui en période de crise est imoportant. Il faut savoir que les familles s'endettent souvent pour marier leur fille: avec un rituel japonais 600000 francs est un coût raisonnable.
Le bouddhisme a eu une influence de tout premier plan sur le développement et la vie de la civilisation japonaise au cours de 15 siècles. Avec le bouddhisme s'affirmèrent au Japon l'écriture idéographique, l'architecture, les arts figuratifs, la musique, les lettres et la poésie, les raffinements de l'existence, ainsi que tout l'appareil de l'état, de la justice, de l'administration. Le lien entre le bouddhisme et les arts a été particulièrement heureux et fécond.
Le rapprochement entre bouddhisme et shintoïsme s'est fait à partir de la doctrine du Honji-Sujaki, d'origine indienne, en vertu de laquelle on pouvait considérer les kami (dieux shintô) comme des manifestations (avatara, gogen) de multiples Bouddhas transcendantaux. Cet habile jeu de miroirs métaphysiques a ainsi permis de considérer comme valable n'importe quel type de culte, aussi bien les cultes ataviques indigènes que les nouveaux cultes provenant du continent. Bien plus tard (XVIIIème et XIXème siècles), lorsque le Japon connut un important regain du shintoïsme, cette théorie fut même carrément inversée: les Honji (réalités originelles) furent considérés comme Kami, tandis que les Bouddhas furent abaissés au rang de simples Suijaku (manifestations temporaires et locales).


Le mélange des religions

Honji Suijaku
Conception typique de la religiosité japonaise. L'idée de Honji Suijaku est née dans l'esprit de théologiens japonais bouddhistes pour justifier la vénération du peuple nippon pour les divinités du culte shintoïsme. D'après cette conception, les dieux shintô (les kami) ne sont que des manifestations et incarnations des bouddhas, adaptées et calibrées en fonction du peuple japonais et de son milieu. Les cultes bouddhiques et shintoïsme ont donc été habilement placés sur le même plan. Honji signifie "réalité originelle", tandis que Suijaku se traduit par "manifestation temporaire". Ce principe a donné naissance à différentes formes de shintoïsme et de bouddhisme, dont une en particulier nommée Ryobu-Shinto, "shintoïsme aux deux visages", qui a connu une grande popularité pendant de nombreux siècles. Après 1868 et l'importante réforme Meiji, on a tenté de séparer de nouveau les deux religions, mais sans grand succès. Il est intéressant de noter qu'au cours du XVIIIème siècle, alors que l'on assistait à un regain du shintoïsme, certains théoriciens ont même inversé le Honji Suijaku, en prétendant que les "réalités originelles" avaient été les kami du shintoïsme et que les "manifestations temporaires" étaient les bouddhas et les bodhisattvas.


Bizarrement, il y a quelque chose chez les religieux bouddhistes japonais qui rappelle de près les membres du clergé catholique occidental, surtout dans les pays latins. C'est peut-être leur mode de vie, même s'il faut rappeler que les moines et les prêtres bouddhistes ont le droit de se marier. L'insertion des religieux dans le tissu social s'accompagne désormais au Japon, comme dans certains pays catholiques, d'une vague impression d'hostilité possible. Ce sentiment donne lieu soit à des attitudes excessivement obséquieuses et condescendantes, soit au contraire à des formes de rigidité et d'indifférence. Il n'est pas simple de trouver le juste milieu.


Le shintoïsme et la mythologie du Japon

Une connaissance, même sommaire, de la religion shintoïste est très importante pour comprendre les Japonais: leur mentalité, leurs attitudes fondamentales à l'égard du divin, du monde, de la vie, du travail, de la nature, et même de l'esthétique. Approcher de cette religion particulière est assez difficile pour un Occidental. On peut y déceler des ressemblances avec les religions anciennes de la Méditerranée, les religions classiques de la Grèce et de Rome, celles de certains pays du Moyen-Orient. Nous sommes en effet en présence d'une religion nettement et abondamment polythéiste, sans dieu fondateur, peu intéressée à la morale, promotrice de l'ordre sociale et des activités humaines, strictement éthnique.
Le shintoïsme n'a pas de véritables textes sacrés, bien que le Kojiki (datant de 712), qui contient essentiellement une histoire de la nation, puisse s'en rapprocher. Dans le shintoïsme, le divin est conçu comme source et lumière immanente à la nature, sorte de révélation perpétuelle qui se manifeste dans les phénomènes les plus importants et resplendissants provenant de ce qui nous entoure, comme le soleil, les grands volcans, la mer, les sources, les forêts, les montagnes, les cascades, certaines fleurs et ainsi de suite. Le shintoïsme vénère la nature et le cosmos en tant que vivants. Il cherche une harmonie avec les forces secrètes qui gouvernent le tout. Parallèlement au culte de la nature, celui des ancêtres y est fondamental. De nombreux spécialistes soutiennent que les kami, c'est-à-dire les dieux shintô, sont des ancêtres déifiés. La question est assez compliquée, et on peut dire qu'elle reste ouverte.
La spécificité de la religion shintô est liée historiquement à l'insularité géographique et éthnique du Japon, qui a lourdement pesé sur le système de pensée, le rendant extrêmement spécifique et limité. La cosmogonie représentée dans le shintoïsme est en fait une Nippogonie, dans laquelle le couple originel, Izanagi et Izanami, engendre physiquement (et en partie sexuellement) les îles de l'archipel, ses montagnes, ses forêts et ses animaux, ainsi que ses habitants humains. La co-génération des îles et de ceux qui les habitent entraîne un lien de véritable fraternité entre êtres humains et nature.
D'habiles remaniements ultérieurs ont amené à une synthèse entre Nippogonie et politique. Depuis au moins quinze siècles désormais, on a tenté d'affirmer que la déesse solaire Amaterasu Omikami ("Grande Divinité du ciel resplendissant") était non seulement la figure centrale du panthéon shintoïste, mais aussi qu'elle représentait l'ancêtre originelle du souverain suprême des îles, le Tenno ("Seigneur Céleste").


LES MYTHES NATIONAUX

La religion japonaise de l'époque Yayoï était une religion polythéiste, primitive, à l'origine de ce qu'on appelle aujourd'hui le shintoïsme. Ce terme apparu après la réception de la civilisation chinoise, ne signifie rien d'autre que "la voie des dieux". Cette religion naturaliste vénère le vent, le soleil, le tonnerre, éléments qui sont idéalisés tout comme les arbres, les îles, les rochers, les cascades dès lors qu'ils sortent de l'ordinaire et peuvent servir à personnifier la nature. Le nombre de Kami est donc illimité dans son principe, mais on voue à certains un culte national.
Avant la réception de la civilisation chinoise, le Japon était composé de nombreux Clans, les Uji, qui possédaient chacun son dieu totémique (Uji no Kami). Le shintoïsme était donc une religion multiforme composée d'un ensemble de cultes locaux, voire domestiques. Il l'est resté dans une large mesure.
Le shintoïsme est encore une religion de la pureté : la mort, le putréfaction, la blessure, l'accouchement ou le sang sont pour lui des souillures. Le mot japonais ancien pour désigner la souillure : tsumi, désigne en japonais moderne la faute, y compris pénale, et, pour les Japonais chrétiens d'aujourd'hui, le péché. Cette souillure devait être lavée par certaines cérémonies rituelles de purification. Ce peut être des bains ou ablutions (misogi) ou des exorcismes, comme celui consistant à balayer l'air avec un fouet de papier (harae), toujours pratiqué aujourd'hui, spécialement lors du Nouvel An. Ce rituel de purification s'accompagnait d'une offrande (harae-tsu-mono) et d'une invocation aux Kami. Les anciens Japonais connaissaient également l'ordalie en tant que mode de preuve, consistant par exemple pour le suspect ou le témoin à retirer une pierre de l'eau bouillante, la véracité de ses dires étant présumée si sa main n'en souffrait pas (kukadachi).

Des textes postérieurs à la réception de la civilisation chinoise furent rédigés sur l'ordre de la cour impériale au début du VIIIème siècle. Cette rédaction, fut entreprise dans un but de prestige et d'unification des cultes nationaux. De cette complication des traditions orales résultèrent deux ouvrages : le Kojiki: chronique des choses anciennes, écrit en 702 et le Nihon Shoki ou Nihongi "Chronique du Japon", écrit en 720. Ces livres comprennent tout à la fois :
1 - Une genèse, c'est-à-dire une explication des origines du monde, puis du Japon lui-même, et un récit de la naissance des dieux dont le pittoresque n'a rien à envier à la mythologie grecque. Il est des passages en revanche fastidieux, comportant de complexes généalogies de Kami d'ailleurs peu cohérentes. Le caractère artificiel de ces relations généalogiques montre bien que ces ouvrages remplissent un but d'unification des cultes locaux dans un corpus unique destiné à renforcer l'unité nationale.
2 - Un mythe fondateur, qui rend compte de l'origine de L'Empire Japonais, le caractère divin du pays et de sa dynastie étant affirmé afin de renforcer le prestige national face à la Chine.
3 - Une chronique du règne des premiers empereurs, dont la valeur historique augmente au fur et à mesure que l'on avance dans le temps.

1 - Une genèse : après que le Ciel et la Terre furent distingués du chaos primitif, sept générations de dieux se succédèrent pour terminer par le Dieu Izanagi et la déesse Izanami. Izanagi ayant baratté la mer avec sa lance, un grumeau donna naissance à une première île, sur laquelle il descendit avec Izanami. Là, les deux divinités ne tardèrent pas à découvrir, l'une son identité féminine, et l'autre son identité masculine, sans trop savoir de quelle façon il convenait de mettre à profit ces différences. Après divers essais infructueux, ils finirent par découvrir le mode d'emploi de façon empirique, et, de leur union naquirent successivement les îles du Japon, les mers, les rivières, les montagnes et les arbres. Puis vint une série de trois dieux particulièrement importants :
Amaterasu Omikami la grande (ô) vénérable (mi) divinité (kami) qui brille (terasu) au ciel (ama), c'est-à-dire la divinité du soleil,
puis la Lune,
puis Susanowo , un caractère masculin, fougueux et impétueux, indiscipliné et colérique, brutal et cruel, associé au vent et à la tempête.
Enfin Izanami donna naissance au dieu du feu et meurt en couches, brûlée par ce fils qu'Izanagi, de colère, décapitera. Izanagi tentera ensuite de rejoindre son épouse défunte dans le royaume des morts et des ténèbres, mais il la retrouvera à moitié décomposée et fuira horrifié pour aller se purifier dans la mer.
Après quoi, les récits continuent en racontant en particulier comment la déesse du Soleil Amaterasu s'est réfugiée dans une caverne pour se soustraire à son frère Susanowo, et comment le monde fut plongé alors dans l'obscurité. Les dieux se réunirent en faisant une fête grandiose afin de faire sortir Amaterasu de sa caverne et de retrouver ainsi la claireté. Le vacarme issu des chants finit par faire sortir de la déesse. Pour réfléchir quelques rayons de lumière, on lui présenta un miroir que l'on pris soin de maintenir à l'extérieur. Ils tendèrent une grande corde en hâte à l'entrée de la caverne pour l'empêcher d'y rentrer. De nombreuses pages ont été écrites sur ce mythe de l'éclipse ou de l'aurore de cette déesse solaire dont le culte est depuis associé à un miroir circulaire de verre ou de métal poli.

2 - Le Kojiki et le Nihongi comportent également un mythe fondateur. Ils racontent en détail comment Ninigi no Mikoto, l'arrière petit-fils d'Amaterasu descendit sur terre pour se battre contre des "barbares". On peut se demander s'il s'agit des Aïnous ou d'autres peuples, comme il est plus vraisemblable. Le nom que prit ensuite, après ses victoires, ce premier empereur est Jimmu, lorsqu'il fonda L'Empire du Japon le premier jour de l'année lunaire soit le 11 février 660 AV JC.
En fait, comme on peut le penser, les guerres de fondations relatées dans le Kojiki ont un fondement historique, mais les événements en question ont vraisemblablement eut lieu du 3ème au 6ème siècle de notre ère. La famille impériale actuelle, issue de Jimmu Tennô, descendrait donc de la déesse du soleil. Les historiens japonais essaient aujourd'hui de reconstituer les itinéraires suivis par Ninigi-Jimmu au cours de son épopée. Celle-ci aurait commencé dans le nord de Kyûshû pour se poursuivre en direction du sud de cette île, puis en Honshû jusque dans la province de Yamato.

3 - En tant que chronique historique, le Nihonshoki raconte aussi le règne des premiers empereurs, mais leur durée de vie est très exagérée, à l'instar de celle des patriarches de la bible. Mythologie et histoire sont difficiles à dissocier dans l'un comme dans l'autre texte.


Vocabulaire lié au shintoïsme

Amaterasu Omikami
C'est la plus importante divinité du culte shintoïste, vénérée dans les sanctuaires d'Ise, au sud-ouest de Nagoya. C'est une divinité solaire: son nom signifie "Grande-révérée-déesse (O-Hi-Kami) dans le Ciel resplendissant (Ama-Terasu). Son symbole archaïque est le miroir. Selon une tradition millénaire, Amaterasu est aussi bien l'ancêtre de la dynastie impériale japonaise que la maîtresse primordiale de la culture du riz et du travail de la soie. D'après certains spécialistes, le fait que la plus importante divinité japonaise soit une femme symbolise, au plan céleste, la position importante occupée par la femme dans la protohistoire du pays.

Kami
Si l'on considère que la langue japonaise ignore les distinctions singulier-pluriel, masculin-féminin, on peut traduire le terme kami par dieu ou déesse, dieux ou déesses. Mais il est erroné de le traduire par Dieu, avec une majuscule, car on attribuerait à ce concept les connotations typiquement occidentales de divinité conçue comme un être de sexe masculin, telles que Créateur, Père et Juge. On peut traduire ce mot par esprit, esprit saint. La religiosité japonaise préfère s'en tenir à un mysticisme vague, plutôt que préciser les choses dogmatiquement. Lorsqu'on dit que "Fuji est un kami", on définit un caractère sacré en termes généraux, sans spécifier si le mont lui-même est un dieu, ou bien s'il est la demeure ou le symbole d'un esprit.


Les sanctuaires shintô

En général, on considère que dans sa phase la plus archaïque le shintoïsme ne possédait pas de véritables édifices consacrés au culte: les lieux tenus pour sacrés étaient entourés, délimités ou indiqués par des cordelette de paille, appelées shimenawa ("corde marquant la limite, de clôture"). Certains lieux sacrés en tant que tels survivent aujourd'hui encore. Citons dans la péninsule de Kii, la grande cascade de Nachi de plus de 100m de haut; le mont Miwa près de Nara; les deux rochers (mari et femme) près d'Ise; le mont Fuji lui-même. De nombreux arbres sacrés sont indiqués par une cordelette de paille autour du tronc, cordelette qui ceint également les roches et les sources sacrées.
Cette notion de la corde sacrée est encore très présente dans le monde moderne des entreprises. Un patron d'une entreprise licencie rarement ses employés. Il les oblige à partir. Souvent il change leur fonction, il les prive d'avancements, il ote leurs outils de travail ou il ne leur done pas de travail, etc. Un des ultimes stratagèmes est de dessiner un cercle autour de la chaise ou du bureau de l'employé, symbolisant ainsi l'interdiction de franchir cette limite comme la shimenawa.
Les véritables sanctuaires ne seront pas fondés avant le VIème siècle. Parmi les plus anciens, celui d'Ise, en forme de cabane. Les sanctuaires d'Ise, dédiés à la déesse du soleil Amaterasu Omikami ("Grande divinité resplendissant dans le ciel") sont démolis et reconstruits ex-novo tous les vingt ans. Toutefois, il n'est pas rare qu'ils soient reconstruits ailleurs près du lieu d'origine. La dernière reconstruction à Ise remonte à 1993 sur la colline en face du précédent sanctuaire. Vingt ans représentent la durée moyenne de vie du bois avec lequel on a construit les sanctuaires; après ce laps de temps, les premiers signes de défaillance commencent à apparaître, et il faut refaire les bâtiments.

Le torii est signe le plus caractéristique annonçant un sanctuaire shintô. Ce terme est représenté par deux idéogrammes qui signifient: "où se trouvent les oiseaux". C'est un portail très simple qui peut être grand ou petit, en bois, en métal souvent le bronze, en pierre comme le marbre, et même aujourd'hui en ciment. Les spécialistes en architecture shintoïste identifient une dizaine de modèles de torii. Mais aux yeux des profanes les différences de genre sont assez peu sensibles. Certains experts attribuent au torii une origine indienne, dans le portail qui lui ressemble aussi bien par le nom (torana) que par la forme. Ce sont des portails d'honneur qu'on plaçait aux quatre coins des anciens stupa (tombes reliquaires) bouddhistes.
Ces portails peuvent se trouver sur tout le parcours, depuis l'entrée jusqu'au sanctuaire lui-même. Dans les sanctuaires consacrés au dieu Inari (culte du riz), les torii peuvent être si nombreux qu'ils forment de véritables tunnels.

Nous retrouvons aussi à l'entrée de beaucoup de sanctuaires deux statues de komaïnu. Ce sont des animaux entre le chien et le lion qui sont les gardiens des lieux. Ils se font face, l'un la bouche ouverte se nomme "A", l'autre la bouche fermée "Un".

Près de l'entrée se trouve presque toujours une fontaine d'eau courante appellée chôzuya. Les fidèles et visiteurs s'en servent pour se purifier la bouche et les mains. La purification rituelle, et donc l'hygiène personnelle, sont des exigences fondamentales dans le shintoïsme. Le culte des Japonais pour les bains et leurs exigences de propreté extrême ont leur origine dans le rite de purification shintô.

L'intérieur des sanctuaires frappe généralement par son dépouillement. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'on y voit des effigies en bois sculpté. Normalement, le shintaï ("le corps du dieu") est désigné de façon tout à fait symbolique par un miroir. On y ajoute parfois des gohei (offrandes) en bois ou en métal doré. Les autels shintô sont donc très différents des autels bouddhistes, qui par contre ressemblent davantage à ceux des églises catholiques, avec des images, des cierges, des fleurs, des chapelles, des bâtonnets d'encens, et ainsi de suite.

Chaque temple ou au moins chaque quartier possède son palanquin sacré ou mikoshi. Ils portent tous un symbole divin qui est souvent soit un miroir, un phoenix, ... Lors des fêtes, ce palanquin est promené à grand bruit sur les épaules des jeunes personnes au cri de wasshoi-wasshoi. Les commerçants ou particuliers qui font alors les plus gros dons (financiers) se voient récompenser avec l'arrêt de la procession devant leur porte. A ces haltes, on offre un encas et des petits verres de saké pour donner du cœur aux jeunes gens, et bien vite le palanquin avance dans une joyeuse atmosphère. En guise de remerciements, une danse particulière commence alors.
A Kawasaki cela consiste à faire tanguer très très violemment le mikoshi. Les grandes personnes supportent alors tout le poids soit au moins 1 tonne. Même moi qui suis de taille normale, la deuxième fois, je n'ai pas voulu le refaire. Dans d'autres villes, les porteurs réussissent à lancer en l'air le mikoshi : j'ose même pas penser au moment où on le récupère.

Il existe d'autres symboles types du shintoïsme. Le sakaki est l'arbre sacré des cultes shintô. Son nom scientifique est "Cleyera Japonica". Des rameaux de sakaki sont utilisés dans de nombreux rites shintô.
Il y a aussi les chaussons du grand prêtre du sanctuaire de Tenjin.

La danse et la musique font normalement partie des cultes shintô. Chaque sanctuaire, sauf les plus petits, a son pavillon des danses (kagura-den). La musique est en général fournie par un petit orchestre composé de flûtes et de tambourins; il s'y ajoute parfois un joueur de koto (harpe horizontale).

Les sanctuaires peuvent être aussi le résultat d'un évènement rescent. Ainsi, le sanctuaire Meiji de Tôkyô fut construit pour honorer la mémoire de l'empereur Meiji (1852-1912), sous le règne duquel fut accompli le premier bond vers la modernisation du pays. Il est intéressant de le visiter le premier de l'an, lorsqu'il est envahi par des milliers de personnes.


Le Bouddhisme




Qu'est-ce que le bouddhisme

Bouddha signifie sage, état de celui qui est empli de la Bodhi (sagesse) et qui est parvenu à l'illumination que l'on peut tenter de définir comme une perception intuitive par laquelle sont abolies les illusions des sens. I1 s agit notamment de s'affranchir du cycle des réincarnations, et d'abolir l'illusion de l'existence personnelle et individuelle, celle-ci n'étant que le fruit de la conjonction temporaire d'un certain nombre d'agrégats tels que la pensée, la perception sensorielle, la volonté, etc. ...
Le bouddhisme enseigne comment parvenir à s'affranchir de la souffrance, qui est entretenue par le désir, en supprimant celui-ci par la méditation et par l'ascèse. Les trois joyaux de la doctrine bouddhiste sont : le Bouddha, la Loi (Dharma) et la Communauté des moines (Sangka). De nombreuses écoles du bouddhisme appelées maladroitement "sectes", allant de la religion populaire à la religion ésotérique, ont vu le jour. On peut toutefois dégager deux grandes tendances principales :
- La première, dont par exemple, le Zen sera une expression, voit dans la démarche individuelle d'ascèse et de méditation le chemin de l'affranchissement des désirs et des illusions de l'existence individuelle.
- La seconde fait du Bouddha une sorte d'intercesseur qui permettra aux êtres vivants d'accéder à leur tour à cet état de perfection, grâce aussi à l'intervention des bodhisatva, êtres parvenus au nirvana, mais qui diffèrent leur entrée dans celui-ci pour leur venir en aide. Il en existe théoriquement des myriades, mais les plus vénérés sont identifiés comme étant des avatars ou renaissance du Bouddha. Dans une telle perspective, il suffit parfois de peu de chose pour être sauvé, comme un mouvement de la conscience vers le Bouddha, ou la récitation d'une brève invocation. Ces formes de bouddhisme connaîtront un grand développement au Japon à partir du XIIIème siècle.


Son début au Japon

De l'Inde du nord, le bouddhisme se répandra vers le nord (Tibet, Mongolie), vers l'ouest (Royaumes gréco-bouddhiques de l'Asie Centrale issus des démembrements de l'empire d'Alexandre le Grand), vers le sud-est (Indochine), vers le sud (où, chassé de l'Inde et de l'Indonésie par une réaction de l'hindouisme il ne subsistera en fait qu'à Ceylan), et vers l'est (Chine, Corée et de là Japon).

La date officielle de l'introduction du bouddhisme au Japon est 538. Mais il semble que même auparavant, dès le début du VIème siècle, cette grande religion indienne était pratiquée en privé, surtout parmi les nombreux immigrés coréens de l'époque. En 538, une famille de hauts dignitaires japonais, les chefs de l'Uji des Soga va adopter ce nouveau culte. Mais certaines autres, les Nakatomi et les Mononobé , y seront hostiles. Le clan des Nakatomi avait une fonction de ritualiste dans le cadre de la religion indigène des japonais, aussi leur opposition à la religion importée se comprend-elle aisément; le second, celui des Mononobé avait quant à lui, une fonction militaire. Les Soga furent d'abord autorisés à vénérer les nouvelles images du culte en privé, images qui seront jetées dans un canal lors d'une épidémie attribuée au courroux des anciens dieux (Kami) du panthéon primitif, puis récupérées. Ensuite, l'histoire se répétera sous le gouvernement de Soga no Umako, puis le culte se stabilisera.
Les Soga accueillirent les moines et construisirent un petit temple pour abriter les images. Peu de temps après, une épidémie assez grave éclata. "Vous voyez, disaient les adversaires du bouddhisme, nous avons négligé nos dieux anciens, et ils nous punissent". Les images sacrées furent jetées dans un canal, mais elles furent par la suite récupérées et remises en place. La période de conflits, même violents, entre partisans et opposants du bouddhisme dura 35 ans, et s'acheva par la courte guerre civile de 587, que les Soga remportèrent sur les Mononobé et les Nakatomi. Quelques années plus tard, avec l'arrivée au trône de la Tenno Suiko, qui, fervente bouddhiste, régna jusqu'en 628, on peut considérer la partie définitivement gagnée. Pendant presque tout son règne, le gouvernement fut entre les mains du prince régent Shotoku, lui aussi partisan du bouddhisme. A la fin du règne de Suiko, on comptait au Japon 46 temples déjà construits, avec 816 moines et 569 religieuses: le bouddhisme allait gagner à sa cause un nouveau peuple.

Superposition des deux religions en place

Le bouddhisme va se superposer à la religion primitive polythéiste des Japonais appelée aujourd'hui shintoïsme (voie des dieux ou des Kami). L'arrivée du bouddhisme ne fera donc pas disparaître le shintoïsme, et l'écriture apportée par la civilisation chinoise permettra tout au contraire de donner au Japon un corpus de textes qui seront en quelque sorte, les Evangiles du shintoïsme. En effet, le pouvoir central va organiser une grande enquête auprès des détenteurs de la tradition orale pour que soit écrit ce qui se transmettait auparavant oralement. La rédaction de cet ouvrage répondait à une préoccupation d'ordre interne: unifier les divers cultes locaux, assurer la prédominance du culte de la déesse du soleil Amaterasu, et, par voie de conséquence, le prestige de la dynastie issue des chefs de l'Uji du Yamato, qui reprenait d'autre part à son compte, le rituel impérial chinois. Il répondait aussi à une préoccupation d'ordre externe: à l'égard des chinois, il tenait à prouver que le prestige et l'ancienneté de la dynastie japonaise n était pas moindre que la leur. De ce travail seront issus les deux textes dont il a été fait mention plus bas: le Kojiki (chronique des choses anciennes), écrit en langue japonaise en 712, et le Nihonshoki (chronique des livres du Japon), également appelé Nihongi, écrit en langue chinoise en 720. En 587, l'empereur meurt, juste après sa conversion au bouddhisme ; une guerre de succession va avoir lieu.

Développement du bouddhisme

Du VIème siècle jusqu'en 645 - Ere de Asuka
Le Japon s'ouvre vers les civilisations proches et plus évoluées de la Chine et de l'Inde. L'influence chinoise sera déterminante dans toutes les étapes du développement historique du Japon, surtout pour l'introduction des deux grandes doctrines du bouddhisme et du confucianisme. C'est le début de l'ère Asuka: le Japon est déchiré par des luttes intestines entre les partisans d'un système conservateur de gouvernement, de type tribal (basé sur le culte du soleil) et les partisans d'un nouvel ordre juridique d'empreinte chinoise, basé sur un pouvoir central et bureaucratique.

Les deux périodes Asuka et Hakuho ont été marquées par un épanouissement du bouddhisme et par la construction de nombreux temples et monastères, qui ont survécu jusqu'à nos jours. Parmi eux, les deux temples du Horyu-ji ("Temple de la Loi florissante"), fondé en 607, à 15 km à l'ouest de Nara, et le Hase-dera, datant de 686. Incendies et tremblements de terre ont à plusieurs reprises endommagé ces lieux sacrés, qui ont été reconstruits dans le plus grand respect des plans originaux. Le Horyu-ji remonte à 710, et c'est le groupe de bâtiments anciens entièrement en bois le plus complet qui existe encore au monde. Pendant les périodes d'Asuka et de Hakuho, la capitale japonaise changeait à chaque règne. On pensait que la cour du souverain était à l'origine d'une telle impureté pour la nation qu'il fallait détruire le précédent siège du gouvernement pour le reconstruire ex-novo ailleurs. Au début du VIIIème siècle, sous l'influence également de la civilisation chinoise, plus ancienne et plus avancée, on comprit que ce "nomadisme métropolitain" était incompatible avec un exercice constant et efficace de l'administration de l'Etat.

C'est ainsi qu'en 710 fut bâtie la première capitale stable, Nara (alors appelée Heijo). Le plan de la ville, entièrement carré, était très ambitieux, et on dit qu'elle était non seulement vaste, mais aussi très belle. Pendant la période de Nara (710-184), le Japon fut extraordinairement ouvert à des contacts avec le continent: non seulement la Chine, mais aussi l'Asie Centrale, l'Inde, la Perse, et peut-être même l'Empire byzantin. Le bouddhisme s'épanouit vigoureusement, sous la protection sans faille de la famille impériale. La période de Nara fut caractérisée par le développement de six écoles de philosophie bouddhiste, essentiellement de tendance Mahayana. Le gouvernement trouvait dans le bouddhisme un puissant allié. Vers le milieu du siècle furent achevés une effigie colossale du Bouddha cosmique Vairochana, de 16 mètres de haut, et un temple en mesure de l'abriter, véritable cathédrale du bouddhisme: le Todai-ji ("Grand Temple d'Orient"). On prévit également la construction d'un temple pour chacune des quarante provinces que comptait alors le Japon; c'étaient les célèbres Kobujun-ji. Avec le temps, les différentes sectes bouddhistes devinrent très puissantes.

Vers 770, une histoire épineuse provoqua un désordre extrême: un moine plein de talent et de beauté, Dokyo, devenu une sorte de pontife dans les mains duquel se concentraient d'immenses pouvoirs, finit par jouir des faveurs de l'impératrice Shotoku, qui régnait à ce moment-là. Dokyo chercha à se faire nommer héritier au trône. L'impératrice était sur le point de céder, mais la cour s'opposa fermement. On consulta comme oracle le dieu shintô d'Hachiman, dans le Kyûshû, qui donna une réponse nettement négative. Dokyo fut exilé, et le deuxième successeur de Shotoku, le TennoKammu, qui régna de 781 à 806, décida d'installer la capitale à une trentaine de kilomètres plus au nord, pour mettre fin de façon décisive aux intrigues du clergé bouddhiste. C'est ainsi que fut fondée Heian, "Paix et sérénité", elle aussi basée sur des plans grandioses, en carré, sur un emplacement particulièrement faste, selon la science des arpenteurs de l'époque. La ville s'appela par la suite Kyôto ("Métropole-Capitale").
Pendant l'époque d'Heian, qui dura quatre cents ans, l'équilibre du pouvoir entre l'église bouddhiste et l'Etat se stabilisa. Après les règnes de Kammu et de ses successeurs immédiats, le pouvoir impérial fut amplement sapé par celui des premiers ministres et de la haute bureaucratie de la famille Fujiwara. Le bouddhisme connut un regain de vigueur grâce à deux moines exceptionnels: Kukai (774-835) et Saicho (767-822). Après un voyage en Chine, d'où ils avaient ramené les enseignements vivants des écoles Shingon et Tendaï, ils furent tous deux appuyés par la cour. Saicho, auquel on attribua à titre posthume le titre de Den gyo-Daishi ("Grand Maître qui enseigne la tradition") se vit attribuer de vastes terrains sur le mont Hiei (847 m), au nord-est de la nouvelle capitale, pour y construire des temples et des monastères de l'ordre Tendaï. Kukai, appelé par la suite Kobo Daishi ("Grand maître qui protège la loi") reçut en partage le haut plateau sur le mont Koya, au sud d'Osaka, où en très peu de temps fut créé un vaste centre religieux Shingon, qui existe encore aujourd'hui.

De nombreux temples furent construits à Heian/Kyôto. Les plus importants furent le Toji ("Temple du Levant"), confié à Kukai/Kobo-Daishi, de nos jours encore centre important de l'ordre Shingon, et le ("Temple de l'eau pure"), affilié aux sectes Shingon et Hosao, mais surtout grand centre de la religiosité populaire, encore très visité actuellement. D'autres temples importants de cette époque se trouvent dans les environs de Kyôto. Parmi eux, le Byodo-in, qui remonte au XIème siècle, a été conservé intact par miracle, bien qu'il s'agisse d'un pavillon en bois très délicat. Initialement conçu comme villa du ministre Fujiwara Yorimichi, il fut par la suite transformé en temple. L'intérieur contient une statue du Bouddha céleste Amitabha/Amida, due au célèbre sculpteur Jocho (mort en 1057); autour du Bouddha figurent de très légers reliefs représentant des anges musiciens jouant différents instruments. Le pavillon est entouré d'un jardin typique de l'époque contenant un petit lac. Au nord de Kyôto se trouvent deux temples d'une grande finesse: le Sanzen-in ("Temple des trois mille", nombre magique pour la secte Tendaï), et le Jakko-in ("Temple de la Lumière solitaire"). Le Sanzen-in contient trois grandes effigies bouddhistes représentant Amida, Kannon, Seishi. Le Jakko-in, petit et solitaire, abrita l'exil de l'impératrice Kenreimon-in (XIIème siècle). On y conserve son portrait. Au sud de Kyôto se trouvent deux temples ayant une importance historique et esthétique: Sambo-in, célèbre pour son jardin du XVIème siècle, et le Daigo, vaste ensemble d'édifices religieux éparpillés sur toute une montagne, et comprenant de nombreux centres artistiques. La plus ancienne pagode à cinq étages de Kyôto, remontant à 951, appartient au Daigo-ji. D'une grande élégance, elle est encore en très bon état de conservation. En 1185, les militaires (les samouraïs) remplacèrent définitivement les civils dans le gouvernement du pays. Le centre administratif du Japon passa de Kyôto à Kamakura, petite ville à 500 km plus à l'est, non loin de l'actuel Tôkyô.

Le bouddhisme durant le shogunat

Le bouddhisme et le shintoïsme sont fréquemment mélangés à partir de l'époque de Kamakura. C'est une conséquence de l'assimilation par le bouddhisme des dieux du panthéon shintoïsme - les Kami - qu'il acceptait de reconnaître en tant que bodhisattva, c'est-à-dire en tant qu'avatars du Bouddha. Ainsi prend naissance le Ryobu Shintô, sorte de syncrétisme entre le bouddhisme, religion importée, et le shintoïsme, religion primitive. Il n'est pas rare de voir des autels dédiés au Kami dans les temples bouddhistes, et inversement. Ce que le bouddhisme avait ainsi gagné en diffusion populaire, il l'avait quelque peu perdu quant à la pureté doctrinale, dont la pratique et l'étude s'étaient repliées dans certains temples. C'est de là que devaient partir de grands réformateurs. Car l'époque de Kamakura est particulièrement riche pour le bouddhisme proprement dit, puisque quatre nouvelles écoles, distinctes du Shingon et du Tendaï, s'y développeront, donnant au bouddhisme japonais les formes qu'il a conservées aujourd'hui encore.
1 - HONEN ET LA TERRE PURE .
2 - SHINRAN ET LE VRAI CHEMIN DE LA TERRE PURE
3 - LE ZEN
4 - NICHIREN (1222-1282)

L'influence de la secte Zen s'accroît donc dans la politique comme dans les arts où elle se caractérise par une très grande sobriété.
* La peinture à l'encre de charbon de bois utilise tous les dégradés de gris ; le trait est rapide, élégant et suggestif.
* L'art d'arranger les fleurs (Ikebana) et celui des jardins se développent.
* La cérémonie du thé, combinaison subtile d'arts et de rituels se pratique dans des pavillons donnant sur des jardins dépouillés. Cette cérémonie est la résultante de deux traditions, l'une monastique et l'autre guerrière. Elle possède un rituel inspiré des monastères et une économie de gestes et de parole particulièrement appréciée chez les Bushi. Tout est effectivement préparé, codifié : la disposition de la salle, celle du jardin alentour, l'habillement des participants, les ustensiles, la façon de tourner le mélange de thé et d'eau chaude. D'ailleurs, aujourd'hui encore des écoles spécialisées existent pour enseigner l'art du thé selon la tradition.
* Le théâtre Nô devient de plus en plus hiératique et prend sa forme définitive, que lui donne le maître Zéami. Ce théâtre est issu du Kyogen, pièce à but apologétique utilisée par les prédicateurs bouddhiques. Il est caractérisé par sa lenteur, et par une grande économie de gestes. Trois ou quatre acteurs seulement évoluent sur une scène sans décor. Le scénario est peu varié ; il s'agit toujours de la rencontre du monde d'ici-bas avec celui de l'au-delà; fantôme ou démon, âme tourmentée d'un défunt, souvent mort de mort violente et qui n a pas encore trouvé la paix. Les acteurs portent un masque d'un type donné correspondant à leur rôle. Ce dialogue est pour l'essentiel un récitatif psalmodié sur le ton d'un chant plaintif qui émane du choeur, comme dans les tragédies grecques.

L'âge d'or du bouddhisme

La dernière période bouddhiste vraiment créatrice, même d'un point de vue artistique, fut celle de Kamakura (1185-1333, avec des prolongements dans le Namboku-cho, 1392). Les années qui vont de 1466 à 1600 furent troublées par de nombreuses guerres civiles et par les ravages qu'elles entraînèrent. En 1600, Tokugawa Ieyasu (1542-1616) unifia le Japon et imposa un gouvernement militaire héréditaire qui dura jusqu'en 1868. Pour le bouddhisme, ce fut une période de stagnation. Le plus important service que le gouvernement demanda aux temples de toutes les sectes et confessions fut d'enregistrer avec la plus grande exactitude toute la population, pour éviter les cas de conversion au christianisme.
Pendant la période Tokugawa, les études confucéennes et les études "nationalistes", qui glorifiaient le shintoïsme, connurent un nouvel essor. Entre 1868 et 1874 environ, on assista à une véritable persécution du bouddhisme (Haibutsu Kishaku) en faveur d'une renaissance du shintoïsme. Par la suite, ce mouvement s'apaisa, mais il eut d'importantes conséquences. Depuis 1945, le Japon jouit d'une entière liberté religieuse, et la plupart des confessions bouddhistes ont connu un essor remarquable. De nombreuses "Nouvelles religions" se sont elles aussi développées, avec des racines dans le bouddhisme classique et moins classique. Contrairement à la sculpture bouddhiste, en profond déclin après le grand épanouissement de l'époque de Kamakura, la peinture a continué à accompagner le bouddhisme avec des oeuvres originales jusqu'à beaucoup plus tard, pratiquement durant toute l'ère Tokugawa (1600-1868). Une bonne partie de cette peinture qui embellit les temples et les monastères bouddhistes est décorative, ou vaguement symbolique, plus que strictement religieuse. Un exemple typique de cette fonction décorative nous est donné par les appartements d'honneur du Nishi Honganji ("Temple du Voeu originel, du Couchant"), siège d'une des deux sectes Jodo ("de la Terre pure") à Kyôto, où furent transportés la plupart des panneaux décoratifs qui ornaient le château de Fushimi, appartenant au dictateur Hideyoshi (1536-1598). L'ère de Momoyama (1568-1615), appelée également "la Renaissance japonaise", amena la paix, l'opulence, la splendeur, du moins pour les élites japonaises, et l'on éprouva le besoin de décorer avec éclat les grandes salles des châteaux et des villas. De nombreuses écoles de peinture naquirent alors. La plus célèbre d'entre elles fut fondée par Kano Masanobu (1453-1490). C'est à l'école Kano, et en particulier à Kano Sankaru (1559-1635), que l'on doit certains des plus beaux panneaux peints conservés dans le pavillon Tenkyu-in du grand monastère Zen de Myoshin-ji, à Kyôto. La sobriété Zen impose aux peintres de réaliser leurs ouvrages avec une simplicité et un ascétisme extrêmes; ceux-ci sont souvent traités en grisaille (camaïeu gris), mais avec des effets extrêmement puissants, comme l'illustrent les peintures de Kano Shoei (1520-1593) dans le Juko-in du monastère Daitoku-ji, à Kyôto.


écoles bouddhistes

HONEN ET LA TERRE PURE
Créée en 1175, elle est aussi appelée secte de la terre pure: Jodoshu. Honen, ou Honen Shonin est né dans la famille Uruma, de la province de Mimasaka. A 9 ans il se voue à la prêtrise pour obéir aux dernières volontés de son père. Il se fait moine au mont Hiei et à 15 ans, reçoit le nom de Genku. A 18 ans il se retire et vit cloîtré pendant 6 ans dans le temple de Kurodani, où il étudie toutes les autres sectes, essayant de découvrir un moyen qui permettrait à ceux qui sont dans l'ignorance et ne peuvent pratiquer les trois sciences: la Moralité, la Méditation, le Savoir, de se dégager de leur misère spirituelle et morale. En 1175, il entreprend de dispenser son enseignement en insistant sur la récitation du Nembutsu, c'est-à-dire de l'invocation au nom de Bouddha, et plus précisément du Bouddha Amida. Selon Honen, cette récitation suffit pour atteindre le Bouddha, et l'on peut dire qu'il y a dans sa démarche spirituelle quelque chose qui fait penser à la parole de Saint Paul qui fit sur Luther une si forte impression . "l'homme est sauvé par sa foi sans les œuvres de la loi". Lui-même passait pour le réciter 60.000 fois par jour.
Certes, le Nembutsu était connu et avait été enseigné par différents moines longtemps auparavant. Mais Honen en fait un choix exclusif, qu'il justifie en mettant l'accent sur trois soutra:
1) le grand Amitayus-Sutra qui expose l'histoire du Tathagata Amitabha (Amida), depuis les Kalpas (incarnations dans les mondes précédents) anciens jusqu'à sa résidence dans le paradis de l'ouest, (Sukhavati-gokuraka) où il reçoit tous les êtres.
2) le petit Amitayus-Sutra (Amida-Kyo) qui expose notamment que, si un homme garde dans sa mémoire le nom d'Amida Bouddha que ce soit un jour ou sept jours, le Bouddha viendra avec les Bodhisatvas le chercher au moment de sa mort pour le faire naître dans la terre pure.
3) l'Amitayurdhyana-sutra (Kanmuryoju kyo), dans lequel le bouddha historique Cakyamuni enseigne à la reine Vaideki les vertus qu'il faut pratiquer pour naître dans la Terre Pure, mais lui dit aussi à la fin, devant l'inquiétude que manifeste la reine au sujet de la mauvaise conduite de son fils: "répétez dix fois en y appliquant votre pensée la prière Namo mithabaya buddhaya" (Namu Amida Butsu) "louange à Amitabha Bouddha".
De ce dernier texte d'ailleurs le moine chinois Zendo (600 - 650) avait écrit sous la dynastie des T'ang un commentaire considéré comme inspiré et qu'avait particulièrement étudié Honen. La Doctrine de ce dernier suscita des oppositions farouches de la part des écoles établies. Ses ennemis lui reprochèrent notamment .
1 - d'avoir fondé une secte sans approbation impériale
2 - de préférer les gens de mauvaise vie aux autres
3 - de discréditer les œuvres autres que le Nembutsu
4 - de mépriser les kami (du shintoïsme)
5 - de fermer l'accès à la Terre Pure en dénigrant les œuvres
6 - d'encourager le vice et de troubler l'Empire.

En 1206, Honen fut exilé à Sanuki à l'instigation de ses adversaires bonzes, mais en 1210 il put retourner à Kyôto et y construisit le temple de Chion-in, où il mourut à 'âge de 79 ans. Entre-temps, il était devenu le directeur spirituel de trois empereurs: Takakura, Goshirakawa et Go-Toba. La veuve de Minamoto no Yoritomo, Masako, était aussi une disciple fervente de Honen, en même temps qu'une femme énergique, au point de mériter le surnom de Ama Shogun, "la nonne shogoun". Après la mort de Honen, (1212) sa biographie en 48 livres fut rédigée sur ordre impérial: trois empereurs, Fushimi, Go-Fushimi et Go-nijo en copièrent des passages de leur propre main.


SHINRAN ET LE VRAI CHEMIN DE LA TERRE PURE
Un disciple de Honen, Shinran, fondera la secte Jodoshinshu, dite encore: Monto-shu, Ikko-shu, secte de la véritable terre pure. Le mot shin (véritable) s'oppose ici à Gonkehoben. Les bonnes œuvres ou la récitation du Nembutsu appartiennent à cette dernière catégorie. La vérité (shin) consiste au contraire à s'en remettre à la puissance extérieure du voeu originel, Hongan Tariki. Hongan, désigne le voeu originel d'Amida de sauver tous les êtres (le 18ème de ses 48 voeux).
"Je n'obtiendrai pas la connaissance parfaite si quelqu'un des êtres vivants des dix points qui croit en moi avec la vraie pensée et le désir de naître dans mon pays, et qui répète dix fois mon nom par la pensée, ne naissait pas dans la Terre Pure". Shinran était le fils du Kuge Hiao Arinori appartenant à la famille des Fujiwara: il entra dans les ordres à l'âge de 9 ans, dans la secte Tendaï. Disciple de Honen à l'âge de 28 ans il était très estimé par son maître dont il reprit, compléta, et popularisa l'enseignement. Il composa le Kyogyoshintomonrui : Collection de maximes concernant la doctrine, la pratique, la foi et l'illumination. Exilé en 1219 dans les provinces orientales, il reçut une vision de la déesse Kannon dans le temple de Rokkaku-do. Il fut pardonné après seulement cinq années d'exil.
Les deux écoles ont en commun la récitation du nom de Bouddha en vue du salut, c'est-à-dire de l'entrée dans la terre pure. Mais dans l'école de Shinran, la récitation peut n'avoir lieu qu'une seule fois avant la mort, pas nécessairement à haute voix, et le nombre d'invocations n'a pas d'importance. L'école de Shinran se caractérise encore par le rejet du monachisme et du célibat des bonzes. Elle autorise la consommation du poisson et de la viande.
Cette école aura un grand succès et reste encore aujourd'hui l'école numériquement la plus importante du Japon.


LE ZEN
Parallèlement à ces tendances, une autre école se développe en sens diamétralement inverse, expression la plus absolue du Jiriki, ou puissance personnelle. C'est l'école du Zen.
Le Zen, terme qui signifie "méditation' vient de l'école chinoise Chan, elle même inspirée d'une école indienne du VIème siècle, le Dhyana. Le Zen était connu de la secte Tendaï comme technique de méditation. Il s'agit en effet d'une discipline qui a pour but d'arriver à l'illumination (japonais : satori). Il est par nature. impossible de définir avec nos catégories conceptuelles ce qui échappe à toute explication. Disons cependant que le Satori est un état que l'on peut définir comme une connaissance intuitive et non pas discursive, immédiate et non pas médiate. C'est une prise de conscience, généralement soudaine de l'illusion que constitue l'existence individuelle, et, par la même occasion, une sorte de communion mystique avec l'ensemble de l'Univers. La pratique du Zen est extrêmement exigeante et demande ascèse et méditation dans des conditions que seuls les monastères peuvent véritablement offrir. Le Zen rejette le formalisme et préconise essentiellement la méditation en posture assise, les mains sur les genoux, face à un mur.
Les conditions de vie des bonzes Zen sont monacales : célibat, lever avant le jour, toilette en eau glacée, une seule robe. Des coups d'un bâton plat délivrés par le maître aideront ceux qui sont distraits à retrouver la concentration nécessaire. Il existe deux branches du Zen : Rinsai et Sôto. La première est due à Eisai ( 1141 - 1215), moine du Mont Hiei, la seconde à Dôgen (1200 - 1253), disciple d'Eisai. Tous deux firent le voyage de Chine dont ils rapportèrent des éléments de la doctrine.
L'influence du Zen sur la vie et la civilisation japonaise est très importante, depuis la cérémonie du thé recommandé en tant que breuvage aidant à la méditation, jusqu'à toutes les autres formes d'art (peinture, calligraphie, théâtre Nô, arts martiaux, jardins, etc...).
L'Ecole du Zen a apporté un grand dépouillement à un art devenu plus abstrait. Elle a séduit une grande partie des Bushi, car elle développe l'aptitude à la concentration, fort utile dans les combats. Le dépouillement, la sobriété, le refus du discours superflu, la rigueur de la discipline, l'absolu de cette démarche spirituelle convenaient particulièrement aux Bushi. Les shikken de la Maison Hojo se convertirent au Zen : Hojo Yasutoki y fut amené par le moine Myo-e (1173-1232), et son exemple fut suivi par ses successeurs Tokiyori et Tokimune.

Bouddhisme Jiriki
Écoles bouddhiques dans lesquelles on enseigne que le salut dépend des efforts individuels du fidèle. Zen Jiriki, qui est le nom d'une école, signifie par exemple "par ses propres moyens".


Nichiren (1222-1282)
Fils d'un pêcheur modeste du village de Kominato dans la province d'Awa (Kantô), Nichiren descendait des Fujiwara dépossédés par Hojo Tokimasa en 1203. Il fonda sa propre secte après avoir été bonze dans la secte Tendaï, notamment au célèbre temple de Kiyomizu-dera, à Kyôto. Le nom de Nichiren qui lui fut donné postérieurement signifie : Lotus du Soleil.
Il commença ses prédications itinérantes en 1253, et prédit en particulier l'invasion mongole. Il se montra un critique virulent à l'encontre des sectes amidistes et zen. Il rend public divers écrits dont le Rissho Ankoku Ron: Traité de la Pacification de l'Etat par l'Etablissement de la Rectitude (doctrinale), dans lequel il établit un lien entre la stabilité de l'Etat et la religion. Il ne craint pas d'adresser ses livres au régent du Bakufu, adepte du Zen. Nichiren sera alors exilé à Izu en 1261 puis, pardonné, reviendra en 1264 , mais reprendra aussitôt ses attaques virulentes. Condamné à être décapité, il sera gracié au dernier moment dans des conditions que ses disciples jugeront miraculeuses: on raconte qu'au moment de l'exécution la foudre empêcha par trois fois le bourreau de faire son office, cependant que le Régent a un songe. Il envoie un messager chargé d'annoncer aux magistrats, qui surveillent l'exécution la grâce du condamné. Celui ci rencontre sur le chemin le messager que l'on envoie au Régent pour lui annoncer les prodiges intervenus. Le lieu de la rencontre est encore aujourd'hui vénéré. Finalement Nichiren sera exilé dans l'île de Sado de 1271 à 1273. Il en revient pour construire le temple de Kuon-ji, siège de la secte, puis fonde encore un temple à Ikegami où il meurt à 61 ans.
Le bouddhisme de Nichiren est un bouddhisme militant, nationaliste, très intolérant, et qui, bien qu'il s'en défende, n'est pas sans similitude avec l'Amidisme, notamment par la pratique de l'invocation.
Ici cependant la dévotion est exclusive envers le soutra du Lotus (Hokke-Kyo) au point d'ailleurs que l'école de Nichiren fut aussi appelé Hokke-shû : école du Lotus. L'invocation : Namu Myoho renge-kyo, soit "Loué soit le soutra du Lotus de la bonne Loi" se substitue à la récitation du Nembutsu des écoles amidistes. Les adeptes de Nichiren ont fait, et font encore aujourd'hui, beaucoup de prosélytisme y compris à l'étranger, ce qui est peu courant parmi les écoles bouddhistes japonaises.
Cette secte a connu au début du XXème siècle, et surtout après la deuxième guerre mondiale, un regain d'activité sous le nom de Soka Gakkai littéralement "Société pour la Création des Valeurs", association de laïques liée au parti politique Komeito.

Bouddhisme Tariki
Écoles bouddhiques dans lesquelles on rappelle que pour atteindre l'illumination qui mène au salut, les actes de foi et de dévouement adressés à un bouddha ou à un bodhisattva sauveur peuvent suffire. Un exemple caractéristique est le bouddhisme Jodo, qui s'en remet à la vertu salvatrice du Bouddha Amida. Tariki signifie "avec les forces d'autrui".


Vocabulaire lié au bouddhisme

Avatara (sanskrit)
Au sens strict, ce terme désigne la manifestation terrestre du dieu hindou Vishnou. Bouddha est souvent considéré en Inde comme le dernier avatar de Vishnou. Dans un sens plus général, il s'applique à n'importe quelle incarnation ou manifestation divine. En japonais: gongen.

Bodhisattva
Conception caractéristique du bouddhisme Mahayanique ("du Grand véhicule"). Etre, personne, qui a atteint l'illumination totale, méritant ainsi la béatitude du nirvana, mais qui renonce à ce privilège pour rester dans le cycle des naissances et des morts (samshara, en japonais rinne) pour aider tous les êtres pensants à trouver la voie du salut. Son nom signifie: "être dont l'essence est l'illumination". Les bodhisattvas (en termes occidentaux, on pourrait les qualifier de saints) apparaissent souvent dans le culte et dans l'iconographie du bouddhisme japonais. Le plus populaire, le plus aimé des bodhisattvas s'appelle en sanskrit Avalokitesvara, "Celui qui regarde vers le bas (vers les affligés)" et, en japonais "Kannon" (qui a plus ou moins le même sens). Kannon est représenté au Japon comme un personnage asexué, mais aussi avec des attributs féminins.

Maitreya est le Bouddha du futur, en japonais Miroku. Selon le bouddhisme Mahayana ("du Grand Véhicule"), il existe cinq époques historiques du cosmos. Nous vivons actuellement dans la quatrième, présidée par le Bouddha Amida (en sanskrit Amitabha, "Lumière sans limite"). Maitreya (Miroku) sera le bouddha vivant de la cinquième et dernière ère cosmique. Le calcul des années d'attente pour l'avènement du Maitreya varie selon les écoles, de quelques milliers à des millions. Maitreya apparaît fréquemment dans l'iconographie bouddhiste: détail curieux, il est assis à l'européenne, avec les jambes croisées.

Les Rakan sont les disciples légendaires de Bouddha. Selon certaines versions il y en a seize, selon d'autres dix-huit, ou même cinq cents. Ils sont représentés comme de vaillants ouvriers, artisans, ou paysans. Les plus populaires sont souvent d'une facture très savoureuse.

Le Binzuru est un saint très populaire. D'après la légende, c'était un disciple de Bouddha, mais il aimait trop le vin et les femmes. Bouddha ne le chassa pas définitivement, mais il le mit en pénitence hors du temple. Et il y resta figé à jamais ! Le binzuru incarne donc le disciple dissipé mais bon enfant, avec qui le fidèle peut aisément s'identifier en tant que pécheur.


Les temples bouddhistes

Ouvrages dus à des maîtres bâtisseurs et peut-être à des ouvriers provenant de Corée, les temples les plus anciens reproduisaient les modèles chinois de la dynastie T'ang (618-927). Parmi ces temples, le plus important et ancien est l'Horyu-ji, à quelques kilomètres de Nara. Fondé en 607, il fut détruit par un incendie au bout de quelques dizaines d'années, mais reconstruit en 710 exactement comme il était à l'origine. Ces bâtiments datant de 710 sont parvenus jusqu'à nous, et on peut dire qu'il s'agit sans aucun doute des plus anciennes constructions en bois au monde.

Il ne faut pas s'imaginer le temple bouddhiste comme un seul édifice, mais comme un ensemble de pavillons, plutôt complexe. Depuis le portail de l'entrée (toujours imposant, monumental), on passe dans bien des cas à un véritable cloître intérieur, où se trouvent le sanctuaire principal contenant les effigies les plus importantes, et la pagode.
La pagode, qui est avant tout un reliquaire (les reliques sont enterrées à la base), dérive du stûpa indien, tombe en forme de coupole. En émigrant vers l'Orient, le bouddhisme a emmené avec lui le motif du stûpa, mais en le modifiant en fonction des éléments des différentes cultures. En Chine, le stûpa s'est marié à des tours ornementales, pour aboutir enfin au magnifique édifice de la dynastie T'ang, avec ses différents toits superposés.
Au Japon, le motif des toits s'est encore plus accentué, pour donner naissance à cette incomparable fleur en bois qu'est la pagode nippone. Souvent, d'autres pavillons donnent sur le cloître intérieur, en particulier celui des Homélies ou des Leçons (Kodo). Dans les environs se trouvent aussi la bibliothèque et le clocher; les résidences des moines et des abbés sont un peu plus à l'écart. Les toitures sont généralement en tuiles, mais on peut également voir des temples et des portails couverts d'une couche d'herbe, épaisse et drue.

Avec le développement du bouddhisme Zen (à partir du XIVème siècle), un type particulier d'architecture commença à se répandre, (semblable aux maisons à colombages normandes ou à l'half-timber anglais), prévoyant le colmatage des vides entre les piliers de bois par du stuc blanc, et aboutissant à un excellent effet décoratif. Une autre caractéristique des monastères Zen sont les salles, parfois les pavillons, destinés à la méditation. La philosophie Zen amena aussi au développement des jardins, conçus comme objets de contemplation et instruments du salut. Le jardin Zen tend à une simplicité et une abstraction extrêmes, et atteint son sommet dans le célèbre "Jardin de pierres" de Kyôto.

Une caractéristique importante, et souvent impressionnante, de l'art bouddhiste dès ses origines, il y a environ deux mille ans, consiste dans la représentation des êtres célestes ou supérieurs en fonction de deux registres: le registre pacifique, serein, méditatif, aimant, et le registre tourmenté, martial, terrifiant. Instinctivement, l'observateur occidental, influencé par les canons de l'iconographie à laquelle il est habitué, interprète les figures sereines comme des Bouddhas ou des saints, et les figures terrifiantes comme des démons. Il faut au contraire complètement renverser ce point de vue. Sauf de très rares exceptions, les figures tourmentées et terrifiantes représentent les forces du bien, de la sainteté, en lutte contre les puissances du mal. Les cinq Bouddhas représentent des images typiques de la sérénité, en méditation profonde; de même, on représente le très populaire Yakushi-nyorai, le bouddha de la médecine, sous des formes pacifiques, aimantes, ainsi que le Bouddha historique Shakyamuni.

Les bodhisattvas sont extrêmement importants dans l'iconographie bouddhiste. Ce terme (sanscrit) signifie "plein d'illumination, parfaitement illuminé". Un bodhisattva est un être qui a atteint le nirvana, mais en retarde la jouissance jusqu'au moment où il parviendra à aider tous les êtres consentants à l'atteindre eux aussi. Les bodhisattvas, du moins au Japon, sont toujours représentés dans un registre pacifique, affectueux; leurs effigies sont généralement plus ornées que celles des bouddhas. Kan-non (ou Kannon), en sanscrit Avalokitesvara ("Celui qui regarde vers les êtres avec compassion") est le bodhisattva le plus célèbre et le plus aimé. Aussi bien les bouddhas que les bodhisattvas ont souvent un véhicule distinctif; par exemple, le bouddha Amitabha avance sur un paon, le bodhisattva Manjusri/Fugen sur un lion, et ainsi de suite.
Les gestes des mains (mudra/inyo), ainsi que les objets tenus en main sont importants du point de vue iconographique. De nombreuses effigies à l'aspect martial et terrifiant représentent les protecteurs de la foi. Citons par exemple les Nioo ("Rois bienveillants"), couple de géants effrayants situés à droite et à gauche de l'entrée des temples, de même que les "Rois des quatre directions de l'espace" (nord-sud-est-ouest). Une mention particulière revient aux sculptures du moine Enku (1628-1695), marquées par des accents extrêmement modernes. Complètement oubliées dans de vieilles sacristies, elles ont été récemment redécouvertes. On retrouve ces deux registres (pacifique et tourmenté) non seulement dans les sculptures mais aussi, plus rarement, dans les images peintes.

Le Byodo-in "l'Abbaye de l'Egalité, de l'Impartialité" Par une chance extraordinaire, cette construction en bois merveilleuse, délicate, pleine de fantaisie, a survécu sans graves dommages de 1053 à nos jours. Construite au départ comme pavillon d'une villa particulière par le ministre Fujiwara Yorimichi, sur le modèle des palais du Paradis du bouddha Amida, sans doute vus dans des peintures chinoises de l'époque, elle devint par la suite un temple, comme c'est souvent le cas. Au centre se trouve la célèbre effigie en bois doré du Bouddha Amida, due à l'illustre sculpteur Jocho (mort en 1057). Tout autour, sur les murs de la chapelle, figurent 52 petites statues de délicieux anges musiciens. Le bâtiment tout entier, conçu en forme de phénix ailé, se reflète dans un petit lac irrégulier aux rives boisées.

Le Mampuku-ji "le Temple des Dix mille Félicités" est un temple intéressant. Il est de style chinois. Il a été fondé en 1654 par le moine chinois Ingen, qui s'était enfui de son pays au moment du passage de la dynastie Ming à la dynastie Ch'ing. Ingen était devenu ami aussi bien du shogun Ietsuna que de l'empereur Go-Mizuno'o, et il put ainsi construire cet important monastère de style Zen chinois.

Le Nazen-ji ("le Temple zen du Sud") est un des cinq monastères zen les plus importants de Kyôto. Fondé en 1291, il a été détruit par des incendies et plusieurs fois reconstruit; les bâtiments actuels datent du XVIème siècle. L'imposant portail d'entrée montre à l'étage supérieur des statues en bois doré de Bouddha et de ses seize disciples (comme dans le Tofuku-ji). Les différents pavillons du temple contiennent d'importantes peintures de l'école Kano, surtout des célèbres maîtres Motonobu, Eitoku et Tan'Yu (XVIème et XVIIème siècles).

Le Kiyomizu-dera ("le Temple de l'eau pure")a été fondé à une époque antérieure à celle de la fondation de Kyôto, au VIIIème siècle. Il a été continuellement remanié et agrandi; on y trouve des bâtiments de toutes les époques. Le temple consiste en un véritable village sacré construit sur la crête d'une des premières collines de la "Montagne du Levant". Le pavillon principal est muni d'une vaste terrasse sur très hauts pilotis, d'où l'on jouit d'un magnifique panorama sur Kyôto et ses environs. Du pavillon principal, on descend par un escalier en pierre très raide vers la "Fontaine de l'eau pure" (Otowa no Taki), d'où l'ensemble des temples et des pagodes prend son nom. Le Kiyomizu-dera est un lieu particulièrement intéressant pour toutes les manifestations de la religiosité populaire. Il est faiblement rattaché aux sectes Shingon et Hosso.

Le Tufuku-ji ("le Temple du Levant faste") a été fondé en 1236. Il fut par la suite un des cinq monastères zen de Kyôto. Malheureusement, un grand nombre de pavillons ont brûlé au cours des siècles et les reconstructions (très respectueuses des plans de l'époque) datent du XIXème siècle. Le jardin, dessiné par Shigenori Mirei (1895-1975), le plus célèbre paysagiste japonais moderne, présente un grand intérêt. Le grand portail qui mène au temple date du XIVème siècle; au premier étage figurent d'imposantes statues de bouddha et des seize Rakan (disciples), ainsi que des peintures du XIVème siècle.

Le Taimadera est un temple très ancien, fondé au VIIIème siècle. Parmi les nombreuses légendes qui entourent le Taimadera, figure celle, très célèbre, de Dama Chujo, qui parvint en une seule nuit (c'est ce que l'on raconte) à tisser une tapisserie merveilleuse, représentant le Paradis d'Amida. Avec le temps, on considéra cette tapisserie comme une sorte de protection pour le peuple japonais, surtout pendant la période dangereuse du Mappo-Jidai ("la Décadence de la loi"), qui revient à la fin de chaque époque historique du monde (kalpa). La procession du Taimadera représente idéalement l'ascension au Paradis de Dama Chujo, accompagnée des vingt-cinq bodhisattvas de la cour céleste d'Amida.


KinkakujiEn dehors des temples officiels, des temples modestes et harmonieux destinés à la retraite des shoguns sont construits.
Le Kinkaku-ji ("le Pavillon d'or") est édifié à au nord-ouest Kyôto en 1397. C'était le lieu de retraite d'Ashikaga Yoshimitsu, troisième shogoun (1367 - 1379). Les parois du temple sont recouvertes de feuilles d'or. Il fut détruit en 1950 par un moine fou, mais fut immédiatement reconstruit sur le même plan.

GinkakujiLe Ginkaku-ji ("le Pavillon d'argent") est à l'origine le lieu de retraite du shogun Ashikaga Yoshimasa (grand mécène). Il fut construit en 1482 au nord-est de Kyôto. Il ne put être recouvert de feuilles d'argent, faute de moyens. Le Ginkaku-ji fut le véritable centre de ce que l'on a appelé "culture de Higashi-yama": cérémonie du thé (cha-no-yu), poésie, peinture, art d'arranger les fleurs (ikebana), porcelaine. Le jardin qui entoure le pavillon est un des plus célèbres de Kyôto avec son tas de sable entretenu régulièrement. Le shogun Yoshimasa avait été ému par la contemplation du reflet nocturne de ce tas de sable apporté par les jardiniers, et avait demandé qu'on le laissât en l'état. Le pavillon lui-même, miraculeusement conservé au cours des siècles, est d'une modestie extrême, mais particulièrement raffinée.


Les objets liés aux cultes

Les objets que l'on admire

La fontaine
Près de l'entrée se trouve presque toujours une fontaine d'eau courante, dont se servent fidèles et visiteurs pour se purifier la bouche et les mains. La purification rituelle, et donc l'hygiène personnelle, sont des exigences fondamentales dans le shintoïsme. Le culte des Japonais pour les bains et leurs exigences de propreté extrême ont leur origine dans le rite de purification shintô.

Les objets que l'on achète

Ema
Autrefois, l'offrande la plus importante qu'un fidèle pouvait faire à un sanctuaire shintô était un cheval. Les sanctuaires les plus importants (Jingu) possèdent au moins un cheval, en général noir ou blanc.
Avec le temps, les genres d'offrande se sont modifiés, s'adaptant à toutes les bourses. Le cheval vivant a été progressivement remplacé par son image peinte sur une tablette en bois. En effet, E signifie "tableau/peinture/image", et Ma signifie "cheval" (e-ma, "tableau-cheval").
Puis, petit à petit, le terme a désigné plus généralement une peinture votive. C'est dans ce sens qu'on les compare aux ex-voto de la religion catholique. Les ema les plus caractéristiques représentent des navires surpris par une tempête et sauvés grâce aux voeux des marins ou du capitaine, ou dans d'autres cas, ils sont offerts par des malades guéris "miraculeusement". Certains des plus grands artistes japonais ont peint eux aussi des ema. Les sanctuaires importants ont toujours un ema-den, une "salle des ema", où l'on peut admirer d'émouvants exemples d'art populaire.

Daruma à peindreLe Daruma est le célèbre poupon rouge représentant le sage indien qui arriva en Chine au VIème siècle, et y introduisit les germes du bouddhisme Zen. Daruma est auréolé de légendes, et c'est un personnage très populaire au Japon. D'après une de ces nombreuses légendes, le saint resta immobile en méditation devant un mur pendant huit ans, puis il atteignit finalement l'illumination, mais perdit l'usage de ses jambes! On le représente donc comme un tronc coupé d'où se dégage seulement la tête, symbole et métaphore de la volonté la plus opiniâtre. On achète en général une effigie aux yeux blancs, dépourvus de pupilles, et si les prières sont exaucées, on ajoute une pupille au pinceau, puis deux si le succès est complet.

Mikuji d'AsakusaLes horoscopes sont très populaires. On les achète directement au sanctuaire, et ils sont de différents types: écrits sur papier (Mikuji), en forme de bâtonnets, ou de boules bariolées. Les batonnets portent un numéro écrit en kanji. Il faut alors le donner au moine pour qu'il vous donne le mikuji correspondant.
Les mikuji sont répartis en 3 classes : les très chanceux, les chanceux et les mal chanceux. Souvent il y a des dictons écrit en chinois. A l'aide de petits signes en indice, on peut retrouver l'ordre des kanjis dans une phrase japonaise. Mais généralement, une explication en japonais se trouve dans la marge. Lorsqu'un mikuji est très favorable il faut le rouler (en diagonal c'est plus pratique), puis le nouer sur une branche végétale du sanctuaire.

Le Jizo a le rang de bodhisattva, mais il figure presque toujours comme un moine errant. C'est le protecteur des enfants, des pèlerins, des voyageurs, des voleurs de petit calibre, des auteurs de péchés véniels. La dévotion populaire l'affuble souvent d'une petite cape, ou d'un capuchon, pour le protéger des intempéries.

Les offrandes font partie de presque toutes les liturgies du shintoïsme. Elles consistent presque toujours en légumes, fruits, poissons, algues, riz, saké, sel; la viande, habituellement les volailles, est rarement utilisée. Les fleurs peuvent servir d'ornement. La façon de présenter les offrandes sur les autels shintô a fortement influencé la cuisine japonaise: aussi bien sur les autels que sur les tables, on vise à présenter des primeurs de tout premier choix, de façon que la bonté des saveurs soit due aux qualités mêmes des aliments, non à leur élaboration.

Les kimonos des prêtres shintô, différemment des habits que portent les prêtres bouddhistes, surtout les jours de fête, se distinguent par leur simplicité et l'uniformité des couleurs.

Un autre type de char, plus petit et généralement carré, appelé yama (montagne) porte en procession des objets sacrés de différente nature, ou bien des automates grandeur nature animés par des mécanismes d'horlogerie d'une extrême ingéniosité. Les chars yama sont au nombre de vingt-trois. Tandis que les hoko sont montés sur roues et tirés par des équipes d'hommes habillés de la même manière, les yama sont portés sur les épaules.


Rites et objets liés aux cultes

Prières et pélérinages bouddhistes

Le geste de la prière est en tout point semblable à celui des catholiques. On a l'habitude de "rafraîchir" les images bouddhistes, quelles qu'elles soient, en les aspergeant d'eau fraîche, contenue dans des cuvettes spéciales et des tasses de bambou munies d'un long manche. La pratique des pèlerinages est très importante dès les temps anciens. Autrefois, ils exigeaient beaucoup d'efforts, aujourd'hui ils sont facilités par les moyens de transport publics, mais il y a encore des personnes qui parcourent les routes à pied.
Devant les temples importants figure toujours un grand brasero où brûle continuellement de l'encens. Une curieuse superstition veut que si on passe sa main sur la fumée d'encens, puis on l'applique sur les parties souffrantes ou douloureuses du corps, on obtient une prompte guérison. Une autre superstition attribue les mêmes vertus aux "véhicules" typiques de chaque divinité.
Le Marishi-Ten est une divinité d'origine indienne qui a abouti au Japon par des chemins de traverse, et qui est en quelque sorte rattachée au bouddhisme. Divinité particulièrement vénérée par le petit peuple, elle protège des incendies, des inondations et des voleurs. Son "véhicule" est un sanglier, qui est en général protégé des intempéries par un coussin ou quelque autre objet. Pour Marishi-Ten aussi (et pour son sanglier), le principe suivant est toujours valable: caresse-le aux endroits où tu as mal toi-même, et tu guériras.

Le Japon est littéralement envahi d'effigies en pierre, en bois, en stuc, ou en d'autres matières, représentant des divinités bouddhistes et inspirées par le sentiment religieux populaire. Exécutées par les artisans locaux, elles sont souvent aussi émouvantes et appréciables, sinon plus, que celles des artistes professionnels. Ces images sont souvent difficiles à identifier, car elles correspondent à des cultes locaux. D'autres au contraire reprennent des motifs très courants cités plus haut.


Prières et purifications shintoïstes

Les formes de prières pratiquées peuvent être soit collectives soit individuelles. Les prières collectives, plus fréquentes, sont faites en général par un prêtre (kannushi) qui lit un texte au pied de l'autel. Les prières individuelles sont souvent précédées d'un son de cloche, provoqué par le fidèle qui tire une grosse corde pendue à la porte du sanctuaire.

Les purifications (o-harae) sont un élément fondamental du culte shintô. Elles peuvent avoir des formes multiples. Dans les plus simples, le prêtre fait passer plusieurs fois sur les individus ou les choses à purifier un long bâton auquel sont fixés des boucles de papier, des copeaux ou des rameaux provenant d'un arbre sacré, le sakaki.

Une forme de purification et de bénédiction très spéciale, et tenue pour particulièrement efficace, est celle que l'on obtient en aspergeant d'eau bouillante (yudate-hara) les participants ou les objets. Cette eau bouillante est préparée avec un soin particulier, et l'on y ajoute du sel et du saké. Puis on en asperge les fidèles à l'aide d'un rameau de bambou.

Presque toutes les écoles bouddhistes accordent une grande importance aux rites et à la liturgie, au mysticisme des symboles et de l'art.
En 1331, une terrible épidémie éclata à Kyôto. Les moines du temple d'Hyakurnanben (ex Chion-ji) se réunirent pour répéter un million de fois une invocation sacrée au bouddha Amida. L'épidémie prit fin, et on parla de miracle. Depuis lors, chaque année au printemps, on accomplit une cérémonie solennelle de remerciement pour le prodige, officiée par les moines vêtus de leurs magnifiques habits de soie et de brocart. Les fidèles répètent une partie du million d'invocations, en se servant pour les compter d'un gigantesque chapelet. A partir de la date du miracle, le temple changea de nom: de Chion-ji ("Savoir et gratitude"), il fut rebaptisé Huakurnanben ("Le Million de fois", le million de litanies récitées...)


Le naissance : rite shintô

Les nouveau-nés sont présentés au sanctuaire à la fin de leur premier mois. Pour des raisons particulières (naissances à l'étranger) on peut décaller légèrement cette présentation. Les parents amènent l'enfant vêtu d'habits somptueux jusqu'au sanctuaire, où se déroule une brève cérémonie accompagnée de danses et de musique, au terme de laquelle le nouveau-né est inscrit parmi les fidèles. En fait c'est la mère de l'enfant qui porte un kimono trés ample pour que le bébé puisse être enlassé dans les bras vêtus de sa mère. L'inscription et les danses tendent à disparaître au profit d'un rituel familial intime.

Le Shichi-Go-San

Ce mot se traduit littéralement par "7 ; 5 ; 3" Le Shichi-Go-San est la présentation aux sanctuaires shintô des fillettes de trois ans et de sept ans, et des garçonnets de cinq ans. A cette occasion, fillettes et garçons portent des habits ou des kimonos de fête.

Le mariage : rite shintô

Le mariage est lui aussi généralement célébré selon des rites shintô.

La mort : rite bouddhiste par définition

La grande majorité des funérailles se déroulent au Japon selon des rites bouddhistes. Le rite principal a lieu dans un temple dans lequel le portrait du défunt figure en place d'honneur au-dessus d'un autel, entouré de fleurs, de fruits et de bougies. Le transport du corps vers le four crématoire (la crémation est d'un usage presque généralisé au Japon) se fait sur un char funèbre en forme de luxueuse chapelle bouddhiste. Enfin, le nom posthume (différent du nom courant utilisé du vivant de la personne) est transcrit en lettres d'or sur des tablettes spéciales, conservées soit sur le petit autel de famille (Butsu-dan), soit dans une chapelle de la maison, soit dans un temple. Enfin, les cimetières ne contiennent pas des corps, mais des cendres, ce qui permet d'accumuler les stèles et les cippes commémoratifs. Pour finir, une note joyeuse: la pierre tombale d'un aimable bon vivant de Kyôto porte cette épitaphe: "Honorer le vin est une grande vertu ! (Sake no Homarè dai-Toku!)
Un culte récent, mais qui s'est répandu très vite, est le Mizuko-Kuyo, office funèbre pour les prématurés ou les avortements.


Danses et fêtes traditionnelles

Au Japon, chaque moment de la vie peut finir (ou commencer) par un rite, qui se transforme souvent en fête. La fête rituelle par excellence est le matsuri, événement lié aux cultes shintoïstes, au cours duquel les dieux (kami) sont invités à descendre de leurs demeures célestes pour participer à un banquet d'offrandes avec les hommes. Sur ce noyau exclusivement religieux se greffent des réjouissances diverses, comme processions, danses, représentations théâtrales, joutes variées, qui ont pour but de divertir et d'honorer les hôtes célestes. Le principe de base est que tout ce qui plaît aux humains plaît aussi aux dieux. Un matsuri est donc non seulement une fête rituelle, mais aussi un moment de liesse, qui peut prendre des airs de véritable bacchanale. Dans les temps anciens, l'expression matsuri-goto, "choses des matsuri", signifiait "gouvernement": on concevait en effet ce gouvernement protohistorique comme médiation et régulation des rapports entre le plan des choses humaines et celui des choses divines. On compte un nombre illimité de matsuri: un petit guide de poche annuel édité par l'Office National du Tourisme (Nihon Kozu-kosha), intitulé Nenchu Gyoji (événements de l'année) en énumère jusqu'à 554 dans tous les coins du Japon, d'Hokkaïdô aux îles Okinawa. Mais une association des Amis des matsuri (matsuri Doko-kai) de Nagoya affirme que l'on peut compter au Japon environ 60000 événements, de plus ou moins grande envergure, qu'il faut classer dans la catégorie des matsuri.

Chaque sanctuaire shintô célèbre au moins une fois dans l'année une grande fête qui lui est propre (matsuri). Les sanctuaires importants en ont deux, trois, et même plus, distribués au cours des mois. Dans un matsuri, on peut distinguer:
1) une période de préparation, qui peut durer plusieurs mois;
2) la préparation immédiate des offrandes;
3) la requête présentée au (ou aux) dieu(x): descendre parmi les hommes pour participer avec eux au banquet sacré;
4) la présentation aux hôtes divins de danses, oeuvres théâtrales, expositions artistiques, épreuves de bravoure ou de force, etc.
5) une procession montrant les symboles divins (en général un miroir en métal) sur un palanquin doré (mikoshi).
6) le banquet céleste (o-naorai), auquel participent réellement les fidèles, et, par l'esprit, les dieux implorés; le congé (kami-oguri) des hôtes divins et la conclusion du matsuri.

Incroyable, mais vrai: presque chaque jour de l'année, dans un des nombreux recoins que compte le vaste territoire de Tôkyô-to, la préfecture de Tôkyô, qui comprend des campagnes, des villages, de hautes montagnes, des bois et des îlots perdus, se déroule un matsuri, fête populaire shintô. L'intense modernisation du pays ne semble pas avoir entraîné une perte d'intérêt pour les dates traditionnelles. Les fêtes vraiment importantes sont rares. Parmi elles, certaines concernent le célèbre temple bouddhiste consacré à Kannon (bodhisattva de la Bienveillance et de la Charité), situé à Asakusa, dans les bas quartiers de Tôkyô. Le palanquin doré est transporté sur les épaules au milieu d'une immense foule en liesse. A cette occasion, on brûle des kilos d'encens dans le grand brasero devant le temple. Les fidèles font passer leurs mains dans la fumée chaude, puis les appliquent sur les parties malades de leur corps, ce qui apporte, dit-on, un grand soulagement.

Il y a deux défilés de chars, le 17 et le 24 juillet de chaque année. Une très grande foule locale, mais aussi de touristes, même étrangers, assiste au spectacle. La fête de Gion ne s'épuise pas dans ces deux défilés du 17 et du 24 juillet. De nombreux autres événements mineurs accompagnent les manifestations principales pendant tout le mois de juillet.

Des danses particulières sont exécutées dans la cour du sanctuaire de Yasaka, parmi lesquelles la "danse des Hérons" qui remonte, semble-t-il, à l'époque de Heian (X-XIIème siècle). Ajoutons aussi les danses dites de Dengaku ("musique champêtre"), une des formes d'art populaire d'où dériva le théâtre Nô.

D'agiles danseurs du lion (shishi-mai) brandissent l'épée tranchante des samouraïs, et fascinent la foule.

Des confréries défilent dans les rues d'Osaka en exhibant différents symboles.

Au début des festivités, on élit un ou plusieurs pages âgés de 8 ou 10 ans, appelés chigi, qui occuperont ensuite la place d'honneur au cours de toutes les cérémonies.

Chaque année, dans le temple de Chishaku-in (Kyôto), on célèbre la naissance de Kukai/Kobo Daishi (774-835). A cette occasion, de nombreuses enseignantes d'ikebana (l'art d'arranger les fleurs) se réunissent dans le temple pour offrir à l'esprit du fondateur les résultats, souvent admirables, de leur art.

Des offrandes de fruits et de fleurs sont portées en procession jusqu'au sanctuaire shintô de Yasaka (ou Gion).

L'Hadaka Odori est un rite bouddhiste très curieux, qui se déroule le 14 janvier de chaque année (au moment du froid le plus intense) dans le temple Hokai-ji, près de Kyôto, devant la chapelle du bouddha Yakushi (le bouddha de la médecine).
Après une semaine d'ascétisme et de retraite, les jeunes gens se réunissent sur le balcon du temple et commencent à danser en criant choraï ! choraï ! La danse, qui dure très longtemps, commence avec un rythme lent et compassé, puis devient de plus en plus rapide pour s'achever en une véritable farandole. Elle est reprise plusieurs fois par des groupes différents jusque tard dans la nuit.

Les soixante-six hallebardes ne sont plus que six maintenant, et avec le temps elles ont été montées comme pinacles décoratifs sur de très gros chars appelés hoko, pesant chacun plusieurs tonnes. Sur ces hoko peuvent prendre place jusqu'à vingt personnes, et plus. Une des caractéristiques de ces chars est qu'ils sont ornés de tapisseries très précieuses, d'origine japonaise ou chinoise, mais aussi flamande. Ces dernières sont des dons que les marchands hollandais - seuls étrangers admis avec de nombreuses restrictions aux trafics commerciaux avec le Japon aux XVIIème et XVIIIème siècles - faisaient aux shoguns (les dictateurs militaires qui gouvernaient le pays) au cours de leurs visites de cérémonie. Ces tapisseries, dont certaines proviennent de la célèbre manufacture des Gobelins, représentent Enée, Didon, et d'autres héros du monde classique occidental.

L'Hoo-no-Mai matsuri (le rite de la danse des phénix) a lieu chaque année à la fin du mois de septembre dans le village d'Hinode à l'ouest de Tôkyô, pour célébrer la fin de la saison des pluies et pour demander aux dieux une récolte abondante. La procession des chigo qui s'est formée dans le village traverse les champs, suivie par une petite fanfare de fifres et de tambours. La présence des chigo, que l'on observe dans de nombreux matsuri, est interprétée par certains comme un témoignage de la pédophilie, du moins platonique, qui régnait dans les cours des dimyo de l'époque féodale. Les danses commencent sur la vaste esplanade devant le sanctuaire shintô du village d'Hinode. La procession se dirige vers un sanctuaire shintô où se déroulent différents rites plus strictement religieux. Les confréries y défilent en portant différents objets, parmi lesquels un éventail ouvert, du genre de ceux qu'utilisaient autrefois les capitaines samouraïs, sur lequel figure l'inscription: "Paix suprême dans tout le pays; féconde récolte des cinq céréales".

Le soir, de nombreuses embarcations pavoisées parcourent les nombreux canaux d'Osaka (appelée aussi "Venise d'Orient")

Les "fêtes du feu" sont très nombreuses au Japon, car le feu est un élément à la fois vénéré et craint. Parmi les matsuri du feu les plus célèbres, figure celui de Kurama, un peu au nord de Kyôto, qui se déroule tous les deux ans, le 22 octobre. Il s'agit d'un rite de passage ancien, par lequel les jeunes gens de ce lieu, connu dès l'antiquité pour ses forêts, ses chasses, ses diables, devaient prouver leur force et leur maturité en portant sur leurs épaules d'énormes flambeaux entre deux lieux sacrés du village. Ces flambeaux (taimatsu) sont très lourds et dangereux; lorsqu'il atteint son paroxysme, avec de nombreux groupes de jeunes gens qui vont et viennent entre les deux sanctuaires, l'himatsuri se transforme en une véritable orgie de flammes, de feux et d'étincelles, tout à fait impressionnante. Tout le village y participe, en mettant des flambeaux aux fenêtres. Les maisons sont ouvertes, comme c'est le cas à Kyôto pour le Gion matsuri, pour exposer les trésors de famille.

Les différentes corporations traditionnelles célèbrent par des rites particuliers le premier jour de l'année (par exemple, le premier coup de hache, la première coupe de tissu, le premier labourage). Autrefois, vers le premier de l'an, les riziculteurs se réunissaient pour une joyeuse pantomime illustrant toute l'année agricole, appelée Ta-aschi ("jeu de la rizière").

Le Matsuno-o-jinjia matsuri a lieu chaque année le premier dimanche suivant le 20 avril. Deux palanquins très lourds contenant les symboles de la divinité, appelée Oyamakui no Mikoto, sont portés sur les épaules, dans l'allégresse et l'émotion générales, sur tout le territoire de la "paroisse" du dieu. La traversée en barque de la rivière Katsura-gawa est elle aussi prévue. Etant donné qu'il s'agit de la fête du dieu Saké (alcool de riz), les hommes qui portent le palanquin ont abondamment levé le coude. Sur le vaste emplacement qui longe la Katsura-gawa, le kami, dit-on, impose sa volonté et ses caprices, en faisant zigzaguer les porteurs çà et là comme des insensés.

Le Somaoi-nomaoi est un matsuri caractéristique qui se déroule dans la petite ville de Haramachi, où chaque année, en juillet, se réunissent les descendants des samouraïs (guerriers de l'époque féodale), pour une semaine de joutes équestres, hardies et souvent dangereuses. Le matsuri commence par des rites et des processions shinto, avec des bannières et des étendards, après quoi les samouraïs se rassemblent pour les courses et attendent le son du buccin (horagaï).

Les origines du Take-kiri matsuri se perdent dans la nuit des temps. Une légende raconte que la ville de Kurama, sauvage et lointaine, était infestée par un grand serpent ou par un dragon, qui fut tué par un sohei ou "moine-samouraï": la fête, dit-on, commémore cet événement. En souvenir de l'abattage du dragon, deux groupes de jeunes gens habillés en sohei se disputent le prix accordé au groupe qui parvient à couper au plus vite et au mieux avec un gros poignard des bambous verts très épais - opération rien moins que facile! Les deux groupes s'appellent "Tmaba" et "Omi", deux régions à l'ouest et à l'est de Kyôto. L'équipe des vainqueurs porte chance et assure une abondante récolte de riz à la région qu'elle représente. La remise des prix est rendue plus solennelle par des danses, de la musique, et la présence de chigo (petits pages).

La Ta-ue matsuri est une fête assez répandue dans tout le Japon, à la fois solennelle et joyeuse, par laquelle on sanctifie le repiquage du riz, en général au mois de juin. Les plus célèbres Ta-ue sont ceux des sanctuaires d'Inari (Kyôto) et du sanctuaire de Sumiyoshi (Osaka). Le Ta-ue du sanctuaire d'Inari, près de Kyôto, est particulièrement solennel. En bas se trouve le champ "des dieux", où se fera le repiquage; en haut, sur une estrade spécialement montée se tiennent les ministres du culte, ainsi qu'un petit orchestre et un corps de danseuses. Lorsque les danses en l'honneur du dieu Inari sont lancées, deux groupes de paysannes en costume traditionnel descendent de l'estrade vers le champ et commencent l'opération rituelle de repiquage. Puis les miko (prêtresses shintô), vêtues d'un costume plein de fantaisie et de chapeaux ornés d'épis de riz stylisés, portent les plantes de riz nouveau, qui vient d'être béni, vers le champ sacré.

Le grand matsuri de Tenjin a lieu à Osaka, en juillet. En voici l'histoire: Sugawara Michizane (845-903) fut un ministre habile et avisé. En butte à l'hostilité des Fujiwara parce qu'il provenait d'une famille de la petite noblesse, il finit par être injustement exilé et il mourut désespéré dans le lointain Kyûshû. Après sa mort, la capitale subit toute une série de malheurs, attribués, d'après les conceptions de l'époque, à la colère posthume du ministre. Pour l'apaiser, on lui concéda à titre posthume des grades de plus en plus élevés dans la hiérarchie de la cour, et il fut finalement déifié sous le nom de Tenjin ("Esprit céleste"), en devenant le protecteur des clercs, des hommes de lettres et des étudiants. Cette fête, qui se déroule tous les ans à Osaka pendant une semaine, est considérée comme un des événements les plus importants dans le calendrier japonais des matsuri. Des défilés de joueurs de tambours envahissent la ville.

Le matsuri du sanctuaire shintô de Kanda est lui aussi très suivi. A cette occasion, il est très facile de rencontrer des groupes d'hommes entièrement tatoués, qui s'exhibent orgueilleusement.

Le dieu Roi de la Montagne (Sanno) est célébré à plusieurs reprises dans les rites shintô. La purification de fin d'année est importante.

Une autre cérémonie particulièrement suivie par les habitants de Tôkyô est le Gishisai, qui se déroule le 14 décembre, et qui rappelle le suicide collectif (par seppuku, ou hara-kiri) de 47 samouraïs en 1703, au terme d'une tragique histoire d'offenses, de vengeances et d'honneur militaire. Des milliers de personnes défilent devant les tombes des 47 samouraïs (gentilshommes), au milieu des nuages tournoyants de fumée d'encens et des chants religieux des bonzes.

Parmi les fêtes mineures, certaines sont intéressantes ou curieuses. L'Hari Kuyo ("les funérailles des aiguilles") est un rite très ancien. Selon la tradition de l'animisme originel du Japon, les objets qui ont longtemps été en contact avec des êtres humains acquièrent pour ainsi dire la dignité de personnes, et ce serait manquer de respect que de s'en défaire en les jetant. C'est pourquoi à une certaine date (8 février) les femmes amènent les aiguilles brisées ou désormais inutilisables dans un petit temple du Shita Machi (la ville basse), où se déroule un rite funèbre régulier au terme duquel les aiguilles sont mises en terre.

Les origines du rite du Yasurai matsuri, comme celle du Ghion matsuri, remontent à des formes d'exorcisme pratiquées dès le IXe siècle pour libérer la ville d'une épidémie de peste. Pendant le matsuri, qui a lieu chaque année au cours du deuxième dimanche d'avril, des groupes de jeunes gens vêtus de rouge et de blanc, tels des chasseurs de démons menaçants, parcourent la ville, surtout le quartier nord-ouest. Les jeunes gens s'arrêtent pour se lancer dans des danses frénétiques devant des magasins ou des maisons dont les propriétaires offrent une obole pour le sanctuaire. Ils sont accompagnés par un petit orchestre de jeunes garçons, sonnant flûtes et tambours. Tous ces groupes de diables rouges se retrouvent sur la place du sanctuaire où ils tournent tous ensemble, sous les acclamations de la foule.